mardi 6 février 2007

Les fautes tranquilles

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Toute « déviance » devient donc normale, ou même enrichissante selon certains : un mot pris pour un autre - chose qui, naguère, faisait sursauter l'auditeur - ne trouble plus personne, tant l'idée que rien n'a d'importance s'est répandue dans le public français.
L'autre jour, une amie a entendu à la radio un journaliste dire sans se reprendre : « Le témoin a déclaré sans comcombre » - il voulait dire sans ambages.
Une autre personne expliqua lors d'une cérémonie qu'elle venait « pour le cercueil », au lieu de « se recueillir »...
On pourrait compter des centaines de ces distorsions lexicales dont nul ne fait plus cas.
C'est ce que Pierre Merle appelle benoîtement les fautes tranquilles ;
« le garçon que je vous parle » ne fait plus réagir, pas plus que « la ville dont je suis allé ». L'auditeur sent bien (pour l'instant !) que quelque chose cloche, mais il ne s'estime plus autorisé à intervenir par crainte, le plus souvent, de se trouver politiquement indésirable.
Et puis, du moment que l'on discerne ou devine le sens, quelle importance ?
Vive l'évolution ! s'écrient certains linguistes friands de nouveauté.
Bien sûr, mais c'est de cette manière aussi qu'une langue évolue à petit feu vers sa finitude...

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